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       La lettre adressée à Paz, qui suit décrit bien mon état d'esprit de l'époque, peu de temps après ma découverte. On y voit à quel point j'en suis imbu. Mais je pense que si ce n'est pas une fausse route il faut alors prendre la mesure de ce que ça remet en question et je n'exagère pas vraiment à la dernière ligne.
        C'est ce que j'évoque quand ici ou là j'évoque les enfants moquant l'Empereur Nu. Ceux qui vont avoir à revoir toutes leur copies ce sont les médecins, les neurologues, les chercheurs de l'INRA, les pharmaciens et les fabricants de produits et sous produits, les importateurs et leur fournisseurs. Il y a un tel mensonge généralisé au sujet du soja, il y a de tels profits pour les protéger... qu'il ne peut qu'y avoir une énorme casse après d'énormes contorsions pour l'éviter et d'abord éviter la honte d'avoir été tellement trompé.
...trompés >>>>>>>>
Tue, 15 Nov 2005 07:25:21 +0100
        Donc je vais essayer de te faire un résumé de mon histoire d'odorat perdu.

        Peu après mon mariage, j'ai eu des épisodes brefs d'hallucinations olfactives. C'était plutôt persécutoire. C'était toujours une odeur de gasoil ou quelque chose de chimique désagréable. Mais comme chez moi le chauffage était justement au gasoil et que je devais monter jusque chez nous des bidons, je n'ai réalisé que plus tard quand je n'ai plus utilisé de gasoil, que dans certaines circonstances je sentais ça sans qu'il y ait de stimulation correspondante. C'était très pénible et comme c'étaient des temps très troublés, je mettais ça sur le compte de mon surmenage ou de mon angoisse. C'était une de mes bizarreries, j'en avais tellement que ça n'en faisait qu'une de plus. Jamais trouvé le moindre écho à ce problème.

        Et puis de temps en temps, mais plus récemment il m'arrivait de perdre le sens de l'odorat. Parfois je trouvais une raison, parfois non. Parfois c'était à force de tomber à l'eau en faisant de la planche à voile et d'avoir les narines ramonées par l'eau du lac. Mais parfois sans aucune raison, sans aucune irritation ou congestion du nez. Parfois, ne trouvant pas de raison, je mettais ça sur le compte de ma déprime. J'avais bien conscience qu'il y avait un risque de quelque chose de grave dans le cerveau. Mais je me suis toujours méfié d'une tendance que je ne crois pas trop avoir à l'hypocondrie.

        Et puis il y a deux ans c'est devenu systématique. Le moment exact je ne le connais pas. Mais ça a été en augmentant, très vite, quelques jours, deux semaines peut être, pas plus. Odorat : plus rien ou plutôt une espèce d'odeur un peu chimique indéfinissable, pas du tout mauvaise mais certainement pas organique ou alors d'une chimie organique industrielle. Rien ne sentait ou tout sentait cela, cette odeur chimique propre : le pain, l'intérieur des livres, le linge propre ou sale, ma sueur, l'air de la rue, qu'il fasse beau ou qu'il pleuve, l'air de mon appartement, que je vienne de l'aérer ou qu'il soit resté fermé le lendemain d'un jour de frites, ce que je buvais ou mangeais, la femme avec laquelle je vivais, ne sentaient rien et c'était plus qu'horriblement frustrant. C'était très angoissant.

        Bon! Ce n'est surement pas à cause de cela que j'ai fini par me séparer de cette femme. J'aurais sans doute fait plus d'effort pour la garder s'il n'y avait pas eu cette difficulté, cet appauvrissement dans notre rapport. Mais bon! Elle était au moins aussi étrange que moi et c'était de toutes façons très compliqué entre nous.

        Deux ans ça a duré. De temps en temps l'odeur chimique prenait une sorte de coloration : bois et feuilles d'arbres brulées et leurs cendres mouillées, quelques fois une impression d'asphalte encore chaud après la pluie. Mais quand je rentrais de l'hôpital en vélo, à six heures le matin le plaisir de passer à trois endroits du trajet bien connus, l'odeur du pain frais c'était totalement terminé et même celle de cette viennoiserie de la rue de la République dont j'ai toujours soupçonné que le parfum qui s'en dégageait à tout heure était une molécule de l'industrie des parfums alimentaires, exhalée là pour racoler le passant.

        Je ne comprenais pas ce qui se passait et je redoutais au minimum une perte d'une faculté comme une autre, due à l'âge. Très déprimant. Associé à ma solitude trop vite et trop définitivement retrouvée, la perte du plaisir de manger... horrible tout cela.

        Inquiet je suis allé voir sur internet. R I E N ! Ou que du vent, du bluff, des escrocs, des médecins charlatans ou méprisants, une foule de gens souffrant de cette misère et de cette incompréhension ou de ce mépris. Ça ne tue pas de ne rien sentir, on n'en meurt pas... Alors je n'ai rien fait de plus pendant deux ans.

        Jusqu'au moment où le médecin du travail de mon hopital m'a un peu bousculé et mis dans les mains une lettre pour un spécialiste, ORL, dont elle savait qu'il était intéressé par le sujet. Le sujet m'intéressait mais je savais bien que je n'avais rien à attendre en matière de cure. Et servir d'objet à des expérimentations ne m'aurait pas déplu s'il n'avait pas fallu pour cela être réveillé dans la journée, prendre des rendez-vous, attendre dans des sales d'attente etc... et tout ça pour ne même pas être mis au courant des résultats. Le sujet m'intriguait, m'excitait même. Mais à condition de pouvoir l'étudier à défaut de pouvoir me soigner.

        C'est ma psy qui m'a libéré de cette culpabilité de ne pas avoir envie d'aller prendre rendez-vous. Et à la fin de la séance je lui ai raconté qu'en fait j'avais une idée très précise de ce qui avait radicalement changé depuis ces deux et que ce devait être cela mon toxique.

        Alors quand j'ai identifié mon toxique, ou plutôt quand ça s'est confirmé? je me suis mis à faire des recherches acharnées sur internet. Non seulement j'avais trouvé mon toxique. Non seulement je découvrais que des centaines de gens discutaient de ça depuis des années sur internet en faisant des expériences de soins et de traitements quelques fois stupides quelques fois horribles comme de se faire enlever le bulbe olfactif ou se mettre des choses impossible dans le nez ou se désocialiser complètement tant ils ont peur de sentir mauvais au nez de leur entourage. Mais j'ai aussi découvert l'enjeu formidable qu'est c'est ce problème. Et combien il y a de requins qui savent que comme tu le dis il y a du nobel à gagner là dedans. Et en attendant de trouver il y a des fortunes à bâtir sur cette misère. Ces requins ils s'appellent : Dr. Josep de Haro chez vous, Dr. Henkin à Washington, Dr. Alan Hirsh à Chicago, Dr. Leopold à Omaha Nebraska, Jean-Pierre Royet à Lyon... Certains sont franchement des charlatans d'autres sont absolument de vrais chercheurs comme on en rêve.

        Moi je suis trop vieux pour devenir chercheur et mener cette recherche ou plutôt prouver que ce que j'ai trouvé est non seulement pertinent mais parce que pertinent : une vrai bombe. Ce que j'ai trouvé pourrait bien provoquer une guerre, au moins économique.

        À défaut de nobel donc et si j'étais socialement capable, rusé et malin, je pourrais faire une fortune pour plusieurs générations dans les quelques années qui viennent.

        Bon! Je dois me persuader de trouver autre chose comme objectif : je ne suis pas capable de tirer parti de mon invention. Mon problème maintenant est que je dois trouver un moyen de garder la paternité de cette chose.

        En France on dit de quelqu'un qui trouve une grotte qu'il est l'inventeur de cette grotte. L'État Français a essayé de voler à l'auteur récent d'une grotte sa découverte il n'y a pas longtemps. L'État a perdu au procès que lui a intenté l'inventeur. Ma grotte c'est quelque chose tellement simple que ça ne coute "rien" à mettre en œuvre. Mais c'est une catastrophe pour les gens qui se croient devenir fous et pour les milliards de l'industrie qui gère mon toxique. Je te dis : guerres et révolutions.

Olivier Lichtenberger